Victor Outin
est né le 17 avril 1888 à Saint-Quai-Portrieux (Côtes d'Armor (22))
Victor Outin est le fils de François Pierre Outin et de Jeanne Marie Nouvel. La famille réside à Saint-Quay-Portrieux où le père exerce le métier de maçon, et c’est dans cette ville, en bordure de la baie de Saint-Brieuc, que Victor passe sa jeunesse et suit sa scolarité au milieu de ses dix frères et soeurs.
Assez tôt, comme pour beaucoup de jeunes gens du pays de Goëlo à cette époque, il est incité par ses parents à faire carrière à la grande pêche ou au long-cours. Le 9 mars 1906, à l’approche de ses dix-huit ans, il devient ainsi inscrit maritime provisoire au quartier maritime de Binic sous le numéro 2760.
Le 20 mars 1906, il prend passage, au Havre, sur le trois-mâts barque "Saint-Pierre" qui fait route vers Saint-Pierre-et-Miquelon, et, quinze jours plus tard, embarque sur la goélette "Eugénie", déjà sur place, pour une première campagne de pêche à la morue qui, pour lui, ne dure que trois mois.
À cette époque les terre-neuviers quittent leurs ports d’attache en métropole aux environs du mois de mars pour une durée de 6 à 7 mois, avec parfois, une relève d’une partie de l’équipage à mi campagne, car le travail est éprouvant.
Le 6 juillet, il revient par le trois-mâts goélette "Sadi Carnot" qui le dépose à Bordeaux devenu le port de référence pour la vente de la morue, et dont la proximité avec les marais-salants des îles de la côte Atlantique permet de rentabiliser l’approvisionnement en sel pour la prochaine campagne.
Après un repos bien mérité, Victor embarque à Cherbourg, le 9 novembre de la même année, sur le trois-mâts carré "Jules Gommés" qui transporte des minerais à Wallaroo, en Australie, et en revient le 16 mars 1907 avec une cargaison de sacs de blé jusqu’à Falmouth puis Cardiff, en Grande-Bretagne, où Victor débarque le 18 juillet.
Par la suite il fait encore une longue campagne de pêche en embarquant le 11 mars 1908 sur le trois-mâts "Maïa" de Saint-Malo pour ne revenir au même port que le 12 0ctobre.
Dès lors, ayant effectué plus de 18 mois de navigation, il devient inscrit maritime à titre définitif sous le n°4962 de son quartier.
Le 9 novembre 1908, ayant atteint l’âge de vingt ans, il est "levé" pour remplir ses obligations militaires dans la Marine nationale. A cette époque, le service militaire a déjà été porté de manière générale, de 2 à 3 ans (loi Berteaux du 21 mars 1905), mais la "Royale" ayant de gros besoins en personnel pour armer tous ses bâtiments, la durée de ces obligations peut être portée, en temps de paix, jusqu’à 5 ans pour les inscrits maritimes, en compensation des certains avantages, en particulier sociaux, que leur statut leur assure.
Victor effectue alors de courts séjours dans les "Dépôts des Équipages" de Brest et Toulon avant d’embarquer, le 1er octobre 1909, comme matelot de 3e classe chauffeur auxiliaire, sur le croiseur-cuirassé "Gueydon" qui patrouille en Atlantique-sud.
À la suite de 6 mois d’affectation sur ce bâtiment, il fait un passage de 4 mois sur le croiseur-cuirassé "Condé" de "l’Escadre de la Méditerranée" avant d’être désigné pour le croiseur-cuirassé "Danton" qui se trouve, lui, en armement pour essais à Brest. Le "Danton" est admis au service actif en avril 1911, date à laquelle Victor débarque pour attendre au "2e Dépôt des Équipages" à Brest une affectation en campagne, cette fois vers les mers chaudes.
Celle-ci tombe le 20 août 1911 : il est désigné pour le croiseur de 2e classe "Kersaint" qui, à l’époque, fait partie de la "Division Navale d’Indochine" et opère dans le Pacifique sud, surtout autour de la Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis-et-Futuna et Tahiti. Le croiseur est un trois- mâts, l’un des derniers navires de guerre français d’importance naviguant encore à la voile, et le terre-neuvas Outin possède une qualité précieuse, celle d’avoir déjà une bonne expérience de ce type de bâtiment.
Le 11 septembre 1912, après une affectation sans grand problème, Victor débarque du "Kersaint". Il rentre en métropole et épouse, le 14 octobre, Jeanne Marie Jaunas, originaire de Plourhan, commune située à 4 km au sud-ouest de Saint-Quay-Portrieux.
Le 9 novembre 1912, ayant obtenu, sûrement du fait de son mariage, une réduction de la durée de ses obligations militaires, il revient à la vie civile après 4 années de bons et loyaux services dans la Marine nationale, et retourne à son premier métier, la grande pêche.
Le 22 février 1913, il embarque sur le trois-mâts goélette "Notre Dame de Rostrenen" de l’armement Chauvel de Binic (22). Sur ce bâtiment il effectue deux campagnes de 6 mois à Terre-Neuve.
Le 16 juin 1913, au cours de la première campagne (22 février au 24 août 1913) naît son premier fils, Victor François Marie, qui malheureusement décède à l'âge de 6 mois.
Au cours de la seconde (21 février au 27 août 1914) naît un deuxième garçon, Georges Jean Baptiste, le 23 juillet 1914. Il fera carrière dans la Marine marchande.
À cette date la Première Guerre Mondiale a déjà commencé : la mobilisation générale a été décrétée le 1er août 1914, et, dès son retour de mer, Victor est placé en attente au "2e Dépôt" à Brest.
Après cette période de disponibilité qui lui permet d’être un peu en famille, il embarque, le 26 mars 1915, sur le paquebot "France" de la "Compagnie Générale Transatlantique" qui, en vertu d’une convention entre l’armateur et l’État, a été adapté en transport de troupes. Le bâtiment rallie Alger pour charbonner, et, de là, acheminer vers la Méditerranée orientale une partie du "176e Régiment d’Infanterie" jusqu’à Sedd-ul Barh (cap Helles), aux Dardanelles, qu’il atteint le 20 mai.
Le 14 juin 1915, au retour du "France" à Toulon, Victor débarque et est affecté au "5e Dépôt" où il reste jusqu’à fin octobre, avant d’être désigné pour le cargo "Mira" de la "Société Générale des Transports Maritimes". Ce vapeur a été requis et se trouve à Alger le 29 octobre, date à laquelle il le rallie.
À la fin du mois de novembre 1915, le bâtiment se signale une première fois en recueillant une partie de l’équipage du cargo grec "Zarifi" coulé par le sous-marin allemand "U 33" à 100 milles à l’est-sud-est de l’île de Malte.
A cette époque, les bâtiments de la "marchande" encourent souvent des risques importants car les sous-marins ennemis ont pour mission de couper les approvisionnements des alliés, et leurs commandants savent bien qu’ils peuvent s’attaquer à eux sans trop de risque. Toutefois, en vertu de l’A.M.B.C. (Armement Militaire des Bâtiments de Commerce), le "Mira" est doté depuis le mois d’avril 1916 d’un canon de 47 mm implanté sur la plage arrière. Dès lors, il est devenu "bâtiment auxiliaire" et, juridiquement, possède le statut de "bâtiment de guerre".
Le 15 mai 1916, vers 17 h 00, alors qu’il transite entre Bizerte et l’île de Corfou, à l’est de l’île de Malte, pour approvisionner en charbon les bâtiments mouillés devant cette base opérationnelle, le "Mira" est attaqué au canon par le sous-marin allemand "U 34".
L’équipage du cargo répond pendant plus d’une heure et demie jusqu’à épuisement de ses munitions, mais sans jamais atteindre le but. Le sous-marin, lui, parvient, par deux fois à toucher le vapeur, occasionnant des dégâts importants, et blessant sérieusement le premier lieutenant, le capitaine au long cours Theveneau. À l’approche de la nuit, estimant que la poursuite du combat est vaine, le commandant (capitaine au long cours Castaldi) ordonne l’évacuation du navire. Peu après, il est fait prisonnier par le commandant du sous-marin qui considère, avec une évidente mauvaise foi, qu’en tant que capitaine d’un bâtiment "non-militaire" il a contrevenu aux règles internationales en faisant usage d’armes. Le cargo est sabordé par les Allemands, mais l’équipage qui s’est réfugié sur les deux canots de sauvetage est laissé libre.
Les deux embarcations font route à l’aviron vers les côtes de Sicile où, dans la nuit, ils sont repérés par des chalutiers britanniques qui les secourent. Débarqués dans le golfe de Tarente, au sud de l’Italie. Victor et ses compagnons gagnent ensuite par la route Marseille à partir de Brindisi, et de là, Victor rejoint la Bretagne et le "2e Dépôt" à Brest.
Le capitaine du "Mira" sera conduit par le sous-marin allemand à Castel Nuovo, base navale austro-hongroise située dans les Bouches de Kotor (Monténégro), pour être interné dans un camp de prisonniers en Autriche.
Le vapeur "Mira" sera cité à l’ordre du jour de l’armée "pour avoir résisté à l’attaque d’un sous-marin ennemi jusqu’à l’épuisement complet de ses munitions et malgré les avaries graves causées par les obus ennemis".
Mais Victor ne restera pas longtemps au dépôt : le 29 juin, il est désigné pour la "Flottille des torpilleurs de Dunkerque", et, le 3 novembre, il embarque sur le torpilleur d’escadre "Etendard", commandé par le lieutenant de vaisseau Pierre Mazaré.
Dans la nuit du 24 au 25 avril 1917, "l’Etendard" patrouille le long du littoral, sur les bancs de Flandre. Vers 02 h 00, apercevant des navires semblant provenir de Dunkerque, le commandant fait faire les signaux de reconnaissance prévus, auxquels il est répondu par un déluge de feu. Ce sont, en fait, sept torpilleurs allemands, qui viennent effectivement de bombarder Dunkerque et vont mettre à mal le bâtiment français totalement isolé. Atteint par une torpille, "l’Etendard" est coupé en deux et coule en quelques minutes ; seule une petite partie de l'arrière émerge devant la plage de Malo-les-Bains. Les Allemands cessent de tirer pour recueillir d’éventuels survivants, mais l’arrivée de renforts français les fait fuir.
Il n’y aura que deux rescapés qui arriveront à gagner la côte à la nage, et sur les soixante-dix autres hommes de l’équipage, on ne retrouvera qu’une dizaine de corps ; celui de Victor n’en fait pas partie.
Le torpilleur d’escadre "Etendard" et son commandant ont été cités : à l’ordre de l’armée (Journal Officiel du 17 mai 1917) :
"Le torpilleur d’escadre "Etendard", sous l’action énergique de son commandant, le lieutenant de vaisseau Mazaré, s’est toujours distingué par sa belle tenue militaire et son ardeur. A péri glorieusement, dans un combat inégal contre plusieurs destroyers allemands, dans la nuit du 24-25 avril 1917".
Le matelot chauffeur de 1re classe Victor Outin laisse une veuve qui dût travailler comme lavandière pour élever son fils de 2 ans, avant d'épouser, quelques temps plus tard, son beau-frère, Jean-Baptiste Outin, lui-même terre-neuvas. De leur union naîtra un fils, Jean, qui sera tué pendant la Seconde Guerre Mondiale alors que, faisant partie de la compagnie des "Forces Françaises de l'Intérieur" de Plouha (groupe de Plourhan-Saint-Quay), il servait comme démineur. Il est, lui aussi, "Mort pour la France".
Les noms de Victor Outin et de Jean Outin sont gravés sur le Monument aux Morts de Plourhan.
- Médaille Militaire
- Médaille commémorative de la Grande Guerre
- Service Historique de la Défense de Brest
- Histoire de la marine marchande française Jean Randier
Etendard
Torpilleur de 335 tonnes, 6 400 cv, 30 noeuds, en patrouille devant Dunkerque, s'oppose à une flottille de vedettes lance-torpilles allemande qui attaquent le port. Reçoit une torpille dans sa soute à munitions, explose, il n'y aura pas de survivant. Equipage 75 ou 71 h.