Frédéric Le Mouillour Mémorial national des marins morts pour la France

Jules Marius Maureti

est né le 30 juillet 1922 à Marseille (Bouches-du-Rhône (13))

Jules Marius Maureti est le fils de Jules et de son épouse Pauline Michel, tous deux négociants alimentaires en boucherie dans le quartier Chave, au 52 boulevard Mérentié (actuellement boulevard Eugène-Pierre) dans le 5ème arrondissement. Aujourd’hui encore, un boucher est installé à cette adresse.

Jules est le troisième et dernier enfant du couple. Avant lui sont nés Esprit Jean, en avril 1910, puis, cinq ans plus tard, Aimé Henri. Le petit Julot, ainsi appelé pour le distinguer de son père, fait la joie de ses aînés qui lui témoigneront toujours beaucoup d’affection.

Une étroite relation le lie en particulier à Esprit Jean, son aîné de 12 ans. Il en fait mention dans une lettre qu’il lui adresse en janvier 1945, sa dernière lettre : «Tu as toujours été mon confident, j’ai confiance en toi.»

« Marseille, écrit Albert Londres en 1927, alors que le petit Jules, âgé de 5 ans, découvre sa ville, est une leçon. Attentive, elle écoute la voix du vaste monde, et, forte de son expérience, elle engage la conversation en notre nom avec la terre entière. Une oriflamme claquant au vent sur l’infini de l’horizon, voilà Marseille.»

Animé, cosmopolite, le premier port français offre à l’enfant de vastes terrains de jeux. Son quartier, que parcourt le boulevard Chave, comprend aussi la place Jean-Jaurès, également nommée La Plaine.

Une ligne de tramway permet des échappées dans la ville, et Julot peut ainsi rejoindre le bord de mer, le Pharo, et les Catalans, d’abord village de pêcheurs où Alexandre Dumas situe l’enfance de Mercédès, fiancée d’Edmond Dantès.

Le petit Jules est attiré par la mer et devient membre du Cercle des nageurs des Catalans que son frère aîné Esprit Jean a contribué très jeune à développer.

Aujourd’hui centenaire, le Cercle profite d’abord de la plage pour entraîner des passionnés de natation, puis, en 1931, construit un premier bassin. Le Cercle a formé et forme encore des champions de très haut niveau, et Jules était certainement un nageur émérite, ainsi qu’un grand sportif.

Mais c’était également un musicien qui jouait du bandonéon, instrument que le tango avait mis à la mode. De Marseille partaient des paquebots vers l’Amérique du sud, et les marins ont contribué à faire circuler cette musique.

La musique tiendra d’ailleurs toujours une place importante dans sa vie. Ses lettres regorgent de références à des spectacles musicaux qui lui ont plu, ainsi «Scènes de la vie de bohême», opéra-théâtre beaucoup représenté. En 1942, à peine affecté au "Centre Sirocco" il s’informera des programmes des concerts que ses moments de pause lui permettront de suivre à Alger, ajoutant :     « Je vais me régaler». Et, lorsque le mal du pays se fera sentir, il écrira pudiquement à propos de son accordéon, « Je me languis de pianoter et de refaire un peu de musique» .

Après la fin de sa scolarité, sans doute effectuée dans le quartier Chave, on peut imaginer que le jeune homme, vif et actif, chaleureux, a aidé ses parents à la boucherie où il était certainement apprécié pour son sens du contact. Dans les campagnes, on devait le voir arriver avec joie lorsqu’il assurait les tournées.

Il ne cessera d’ailleurs, même lorsque, mobilisé, il est en mer, de s’informer des affaires familiales, souvent avec humour, toujours avec intérêt, encourageant les uns et les autres.

Ses activités personnelles laissent deviner un garçon qui aime la société de ses semblables, qui aime aussi leur donner de la joie : quel instrument, plus que le bandonéon, permet d’animer les soirées en commun ? Sans doute les jeunes du quartier ont-ils dansé au son de sa musique !

Mais le temps de l’insouciance prend bientôt fin : le 19 juin 1939, alors qu’il n’a encore que 17 ans, le jeune homme a la douleur de perdre son père, et, le 3 septembre de la même année, la Seconde Guerre mondiale éclate.

En 1942, Jules Marius, âgé de 20 ans, est mobilisé. Son père, son frère Jean, ont été marins, il le devient à son tour. Incorporé le 8 juillet 1942, il rejoint les "Chantiers de Jeunesse de la Marine", créés en février 1941 afin de former et d'entraîner des jeunes dont la vie civile a été orientée vers la mer (pêcheurs, marins de commerce, jeunes se préparant à entrer dans la marine nationale). Ses états signalétiques et de service, mentionnent en effet qu’il exerçait la profession de pêcheur avant d’être appelé sous les drapeaux. Le matelot Jules Maureti, directement promu à la seconde classe, est affecté au "Centre Sirocco" au cap Matifou à l'est d'Alger, dont l'effectif est de 400 personnes.

A 20 ans, Julot, comme tous ceux de son âge, est encore un grand adolescent. Les lettres qu’il adresse à son frère aîné à cette époque sont nombreuses, et il a beaucoup de choses à raconter. Peut-être est-ce la première fois qu’il quitte ses proches, et pour une destination aussi lointaine. Observateur, («Voir du pays est intéressant», remarque-t-il ) il partage avec les siens sa découverte d’Alger, notant au passage des similitudes avec Marseille, la Canebière en particulier. Il leur communique son programme de mobilisé : examens médicaux, radio, en particulier, puis entraînement à la navigation à voile, marche, ses journées sont bien remplies. Il prépare en même temps le brevet de cuisinier, qu'il obtient le 1er janvier 1943.

Les nouvelles qu’il reçoit de sa famille le rendent heureux, et il le fait savoir. Il taquine son frère, est affectueux avec sa belle-sœur (qu’il charge d’être son messager auprès de la jeune Juliette, sa fiancée), et sa nièce dont la beauté, dit-il avec humour, est sans doute liée à son hérédité. En 1942, il évoque plutôt le conscrit au début de son service militaire que le marin mobilisé. Le ton reste détendu, et à ce moment il se projette déjà dans l’après, anticipant ce que sa formation apportera au commerce familial.

A la fin de l'année 1942, les alliés débarquent en Algérie et au Maroc, tandis que les puissances de l'Axe envahissent la Tunisie, entraînant le déplacement de la zone de combats. Le 1er avril 1943, le jeune matelot quitte le CJM pour le "Front de mer de Tunisie", où il restera 10 mois, avant d'embarquer pour deux mois à bord du torpilleur "Trombe", pris par les Allemands en 1942 et restitué par les Italiens aux Français en 1943 après la destitution de Mussolini.

Après ces deux mois de cuisine en mer, Jules passe un mois au dépôt de Casablanca, où est désormais basé le "Trombe".

Le 1er juin 1944, il est inscrit au registre d’équipage du patrouilleur "Enjoué", bâtiment construit dans le Michigan en 1942 qui vient d’être transféré à la Marine française à Casablanca, et dont la mission est de surveiller les côtes du Maroc.

Jules Marius a mûri, on le sent devenu adulte. Professionnellement, il est manœuvrier, et ses lettres portent la mention «à bord». Désormais, sa préoccupation première est de rassurer les siens sur son sort. Il y a deux ans, déjà, qu’il est parti, et sa famille, à laquelle il pense beaucoup, lui manque, sa ville, sa vie antérieure aussi. Il a souvent un mot pour Juliette et sa famille.

Il suit avec intérêt l’actualité française, et apprend avec bonheur la libération de Marseille à la fin du mois d’août. Il s’enthousiasme « J’aurais voulu être des premiers à débarquer sur notre sol», avant d’ajouter, ignorant de l’avenir « peut-être est-ce mieux comme ça».

Il parle aussi de ses compagnons de bord, insiste sur l’esprit d’équipe, le soutien des uns aux autres. C’est que son bâtiment a aussi pour mission d’escorter des navires, d’assurer leur sécurité. La guerre est là, et on doit pouvoir compter les uns sur les autres.

Il sait que la guerre fait des victimes en métropole, apprend avec tristesse les disparitions, et ses salutations sont de plus en plus détaillées. Il ne se limite pas à sa mère et ses proches, il prend des nouvelles de la famille élargie, a un mot pour chacun, qu’il appelle par son prénom. Il n’oublie jamais ses nièces, dont il a fait voir la photo à tout l’équipage. C’est important, les photos, pour le marin qui est loin des siens, les lettres, aussi, dont l’arrivée soumise aux aléas de la Poste navale, est irrégulière, et il n’oublie jamais de dire le plaisir qu’il a eu à les recevoir.

Dès le début du mois de décembre de cette année 1944, il présente ses vœux à sa famille, il ne pense pas pouvoir venir pour les Fêtes, tant le travail est intense, peut-être après, espère-t-il.

Mais il n’y aura pas d’après. Le 7 janvier 1945, Julot, qui a passé les Fêtes en mer, écrit : « On a du travail par-dessus la tête». Depuis juillet, "L’Enjoué" aura parcouru 13 000 milles, et effectué 1 350 heures de marche.

Ce 9 janvier 1945, alors qu’en compagnie de "L’Effronté" il escorte le cargo grumier "Agen" qui se rend de Gibraltar à Casablanca, le patrouilleur "Enjoué", qui effectuait sa vingtième escorte, est coupé en deux par un torpillage du U-Boat allemand 780R.

Il n’y aura aucun survivant.

Jules Marius Maureti, que sa fiancée Juliette attendra en vain et dont la disparition bouleversera les siens, n’avait que 22 ans.

Sa mère devra attendre la fin avril pour connaître les circonstances exactes du drame qui ont tué Julot.

Il sera cité à l’ordre du corps d’Armée avec la mention suivante : "Embarqué sur l’Escorteur "Enjoué", a glorieusement disparu le 9 janvier 1945, à bord de son bâtiment coulé au cours d’une escorte de convoi au large de Gibraltar."

Son nom figure au monument aux morts de Marseille.

Il était Matelot.
Son unité : L'Enjoué
  • Croix de Guerre 39-45 avec étoile (s)
  • Citation à l'Ordre du Corps d'Armée
Il est décédé le 09 janvier 1945.
Porté disparu
Document portant la mention MPLF : Défense nationale/Bureau des décorations

L'Enjoué

62

 

Ex USS PC-482, construit en 1942, (Defoe boat moto works). Cédé à  la France 15/07/1944 type corvette, 335 ts. (Transfert à  Casablanca sous immatriculation W44) Torpillé le 9 janvier 1945 à  16h40 par un U-Boot (U-870) à  10 milles N.E du Cap Spartel (psn 35 56N 05 49W). Aux ordres du LV Decugis, il assurait avec L'Effronté l'escorte du cargo Agen de Gibraltar à  Casablanca (convoi GC 107). "Un...

L'Enjoué
7221
Maureti
Marseille
Bouches-du-Rhône (13)
30 juillet 1922
H1
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Il a été décoré : Citation à l'Ordre du Corps d'Armée,Croix de Guerre 39-45 avec étoile (s)
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