Hyacinthe Marie Joseph Le Saux
est né le 16 août 1879 à Trédrez (Côtes-d'Armor (22))
La famille de Hyacinthe Le Saux tient ses origines des environs de Trévou-Tréguignec, commune située à proximité de Perros-Guirec, à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de l'ouvert de la baie de Saint-Brieuc, dans les Côtes d'Armor (22. Hyacinthe, son père, dont il porte le même prénom, a vu le jour à Trédrez, mais sa mère Eugénie Poulain, est originaire de Lancieux, à l’ouest de Dinard.
Le 15 novembre 1864, elle a épousé, en premières noces, Jean Baptiste Ledémélé, marin du commerce originaire du village voisin de Saint-Briac, mais situé de l’autre côté de l’estuaire de la rivière Frémur qui marque à ce niveau la frontière entre les départements des Côtes d’Armor et de l’Ille-et-Vilaine (35). Et c’est ainsi que Saint-Briac (de nos jours Saint-Briac-sur-Mer) devint le point d’ancrage de la famille.
Le 16 novembre de l’année suivante naît une petite fille, Joséphine, qui ne connaîtra pas son père, car le capitaine au long cours Ledémélé disparaît en mer en ce même mois de novembre 1865 avec ses trois autres compagnons, dont son propre frère Julien qui servait comme second capitaine, alors qu’ils effectuaient avec le brick "La Bellone" la traversée de la Manche entre Saint-Malo (35) et Swansea (pays de Galles).
Pour Eugénie, c’est une épreuve terrible car son père, Pierre Poulain, maître au cabotage, avait lui aussi péri, le 17 mai 1854, alors qu’elle venait d’avoir onze ans, lors d’un transit de la goélette "Les Deux Marie" entre Bayonne (64) et Saint-Malo.
Femme courageuse entre toutes, elle ne pense pendant de nombreuses années qu’à élever sa fille Eugénie ; elle ne pouvait savoir qu’elle n’avait pas encore connu le tréfonds des douleurs que peut éprouver, tour à tour dans une vie, une fille, une épouse, et une mère de marin.
Au bout de treize années de veuvage, elle épouse, le 21 novembre 1878, Hyacinthe Le Saux, lui aussi marin du commerce. Il est né à Locquirec (29), mais a élu domicile à Saint-Briac.
Le couple connaît pendant dix ans un peu de bonheur : Hyacinthe Marie Joseph naît l’année suivante, et son frère Alfred, deux ans après, le 12 juillet 1881. Le père, devenu maître de barque, est souvent en mer, mais la famille installée au lieu-dit Champ Fleury, tout près du centre-ville de Saint-Briac, est bien entourée.
Malheureusement, dans la nuit du 25 au 26 novembre 1888, le sloop "Edmond", immatriculé à Lanion (22), et que commande Hyacinthe père, est pris dans une tempête au large de Lesconil (29) au cours d'une traversée entre Le Croisic (44) et Morlaix (29). Le bâtiment coule ; deux corps quasiment méconnaissables sont retrouvés les jours suivants par des marins pêcheurs du Guilvinec (29), et Eugénie a le terrible devoir d’aller identifier la dépouille de son époux.
À cette date, Hyacinthe fils a neuf ans et il est à l'école à Saint-Briac ; mais l'année suivante, il réunit les conditions pour être enregistré comme inscrit maritime provisoire.
Le 5 avril 1893, à l'approche de ses quatorze ans, Hyacinthe embarque au long cours, d'abord comme mousse, puis, après 4 mois de navigation, comme novice, sur le trois-mâts "Adolphe", avant de passer, l'année suivante sur le quatre-mâts "Cap-Horn" sur lequel il sert comme matelot, jusqu'au 3 février 1897.
Ces robustes et magnifiques voiliers de la compagnie "A.D. Bordes" partaient le plus souvent de Dunkerque, approvisionnaient du charbon en Angleterre pour le décharger au Chili, après avoir doublé le toujours redouté Cap Horn. Des ports d'Iquique ou d'Antofagsta, situés en bordure du désert d'Atacama, ils revenaient avec une cargaison de salpêtre qu'ils déchargeaient à La Rochelle avant de regagner leur port base (le salpêtre entrait à l'époque dans la composition du nitrate indispensable pour la fabrication des explosifs).
Le 18 mars 1897, Hyacinthe quitte momentanément le long-cours pour embarquer sur le vapeur "Saint Jean" qui pratique le cabotage à partir du Havre. Il navigue sur ce bâtiment jusqu'au mois de mai 1899, car étant "inscrit maritime", il est appelé dans sa vingtième année à satisfaire à ses obligations militaires.
Le 16 août 1899, il est incorporé au "2e Dépôt", à Brest, où il fait très rapidement ses classes (compte tenu de son expérience, il n'a pas vraiment besoin de suivre une longue formation maritime de base…), passe une vingtaine de jours sur la frégate à voiles "Saône" qui ne navigue plus mais est utilisée comme caserne pour les apprentis gabiers ; et le 17 octobre 1899, le matelot de 2e classe Le Saux est désigné pour la frégate à voiles "Melpomène".
Ce bâtiment sert de navire-école pour les gabiers et accueille les élèves de la Marine marchande à raison de deux campagnes d'application à la mer chaque année. Hyacinthe effectue la campagne d'hiver de l'année en cours qui conduit le voilier à Madère, Ténériffe (Canaries), La Praia (Cap Vert), Dakar, et retour à Brest.
Il quitte la frégate le 16 mars 1902 avec le grade de matelot de 1re classe pour être placé en disponibilité, avant de rallier le cuirassé "Bretagne" (en fait la "Bretagne III", ex-"Fontenoy"), navire désarmé, embossé en rade de Brest, et qui sert à l'"Ecole des Mousses". Il a pu penser alors que cette affectation serait la dernière à caractère militaire dans sa vie de marin.
Car Hyacinthe sait ce qu’il veut : il est originaire du pays briacin qui a vu naître près d’un tiers des capitaines de voiliers "Cap-Horniers". Il passe son brevet de capitaine au long cours à Saint-Malo, l’obtient le 25 juillet 1905 et retourne alors à la compagnie "A.D. Bordes".
Cette compagnie connaît bien les difficultés liées à la ligne Dunkerque-Chili et y met ses meilleurs navires et équipages.
Hyacinthe embarque tour à tour :
- entre le 31 décembre 1905 et le 25 juillet 1906, en tant que "1er lieutenant", sur le quatre-mâts barque "Antoinette",
- entre le 2 février 1907 et le 12 juillet 1909, en tant que "second", sur le trois-mâts "Coquimbo",
- entre le 11 octobre 1909 et le 7 décembre 1911, en tant que "second", sur le trois-mâts "Wulfran Puget",
- entre le 21 octobre 1912 et le 12 juin 1914, en tant que "capitaine", sur le trois-mâts "Victorine",
- et enfin, à partir du 11 mars 1915, en tant que "capitaine", sur le trois-mâts "Coquimbo"
qu’il connaît bien car il a déjà effectué deux voyages vers l’Amérique du sud à son bord, mais les circonstances ont changé, car en plus des risques naturels, il y a désormais la guerre.
Le 9 juillet 1917, au retour du Chili (Antofagasta), le navire s’approche du plateau de Rochebonne pour gagner le pertuis d'Antioche afin d’aller livrer sa cargaison de salpêtre destinée aux poudreries de Rochefort.
Il se présente vers le chenal recommandé qui a été mis en place car on sait que la zone est susceptible d'avoir été minée par des sous-marins allemands.
Mais le vent est nul, et le voilier encalminé, dérive au gré des courants. L’équipage est en alerte, la veille est renforcée et les embarcations suspendues aux bossoirs pour être mises à l’eau en urgence.
Le 11 juillet, vers 13h00, la vigie aperçoit une mine ; une manœuvre désespérée des voiles, quasi inefficace par une telle pétole, ne permet pas de l’éviter : l’engin explose au contact de la coque du "Coquimbo" qui coule immédiatement.
Sur les 25 hommes de l’équipage, sept disparaissent dans ce drame, dont le capitaine Hyacinthe Le Saux ; les rescapés qui ont réussi à s'entasser sur la seule embarcation flottant encore, bien que sérieusement endommagée, sont recueillis à la nuit tombante par un bateau de pêche qui les dépose à La Rochelle.
Hyacinthe allait avoir trente-huit ans le mois suivant. Il avait tout donné à son métier et n’avait pas eu l’opportunité de fonder une famille.
À titre posthume, Il a été élevé au rang de chevalier de la Légion d’Honneur et ses compagnons décédés ont reçu la Médaille militaire.
Son nom figure sur le Monument aux Morts de Saint-Briac-sur-Mer.
- Légion d'Honneur (chev.)
- Croix de Guerre 14-18 avec étoile (s)
- Établissement National des Invalides Marine (Paimpol)
- Internet : "LA GRANDE GUERRE – Forum PAGES 14-18
- Comité patrimoine de Saint-Briac "Le Cap-Horn, une épopée briacine"
Coquimbo
Le « Coquimbo » était un voilier trois mâts carré construit en 1890 au chantier Russel de Glasgow (Ecosse) sous le nom de « Burmah ». Il est racheté par la compagnie Bordes en 1907. Navire de 2850 tonnes de port en lourd, réputé bon marcheur, il était affecté sur les lignes du Chili pour le transport de nitrate. Il avait eu pour premier commandant le capitaine Edouard Salaun de Roscoff.