René Louis Lucien Muller
est né le 25 août 1930 à Saint-Dizier (Haute-Marne (52))
Quand René Louis voit le jour, la famille Muller est établie à Saint-Dizier (Haute-Marne), au 55 rue Anatole France. Son père, Charles Joseph est employé des chemins de fer locaux, et sa mère, née Marcelle Martin, originaire de Châlons-sur-Marne, s’occupe du foyer familial qui ne tarde pas à s’agrandir.
René commence ses études à l’école publique "Gambetta" de la ville, puis, se sentant plus attiré par la mécanique que par une formation classique, s’oriente vers l’apprentissage, et finit par être embauché à la "C.I.M.A." (Compagnie Internationale des Machines Agricoles) de Saint-Dizier, qui produit principalement des éléments pour tracteurs agricoles.
Il aurait pu faire carrière dans cette entreprise, mais, en décembre 1948, il est convoqué pour accomplir ses obligations militaires : il rallie donc la subdivision de Nancy où sa solide constitution (il mesure 1,80 m, ce qui est grand pour l’époque), son désir d’aventures et, surtout, les besoins du moment, le font orienter vers la Marine nationale et, plus précisément, vers les fusiliers marins. Il contracte un engagement initial de deux ans, pour compter du 20 décembre 1948, engagement dont la durée sera prorogée à cinq ans ultérieurement.
Dans un premier temps, il est donc désigné pour faire ses classes, au "Centre de Formation de Mimizan" situé dans les Landes, près de Biscarosse, afin d’acquérir les bases fondamentales du métier de militaire et de marin. Puis, au bout de trois mois et demi d’une formation physiquement très sélective, il rallie Marseille avec un certain nombre de ses camarades ; après une nuit passée à la caserne de transit du Pharo, le groupe embarque sur un vieux rafiot qui les transporte vers le "Centre de Siroco" (la "Mecque du fusil") établi au cap Matifou, à l’ouest de la baie d’Alger.
René n’a aucune difficulté pour obtenir, le 1er octobre 1949, le brevet élémentaire de fusilier, et en conséquence, d’être promu au grade de matelot de 2e classe, puis d’accéder, dans la foulée, au stage de commando dont il sort certifié le 1er décembre de la même année.
À cette époque la France veut reconstituer son empire d’avant la "Seconde Guerre mondiale" et les besoins militaires sont donc importants, particulièrement en Indochine française, perle de nos colonies. Le "passage", puis le départ des Japonais ayant laissé place à la subversion, les commandos français, nés à l’image de leurs homologues britanniques, sont envoyés là-bas pour constituer le fer de lance du renseignement et mener des actions spécialisées en milieu maritime, sur la côte et les îles, mais aussi à l’intérieur d’un pays traversé de nombreuses rivières ("rachs") et où il est souvent difficile de progresser sans emprunter ces voies de communication.
Le 1er février 1950, René Muller, qui a été désigné sous l’affectation administrative "Marine Indochine"(en fait, pour le "Commando François") embarque à Marseille sur le paquebot "Athos II" des "Messageries maritimes", reconditionné en transport de troupes. Le trajet pour Saïgon, via le canal de Suez, avec escales à Colombo (Sri Lanka) et Singapour, dure un bon mois, certes sans beaucoup de confort, mais ce n’est rien à côté de ce qui attend ces hommes.
Le 6 mars 1950, l’"Athos" accoste à Saïgon (aujourd’hui Hô-Chi-Minh-Ville), et les marins sont conduits au Cap Saint-Jacques qui sert de camp de repos et de base arrière pour les trois commandos marine déployés en Indochine ("Jaubert", "de Monfort" et "François", ce dernier revenant d’une campagne à Madagascar).
Avant de rallier les zones sensibles, René a juste le temps de voir Pierre, son frère aîné (à cette époque, avec Jean et Paul, ils étaient quatre frères) ; Pierre servait en Indochine, mais rentrait en métropole après avoir été blessé par un éclat de grenade.
Pendant les premiers mois de l’affectation de René, les commandos effectuent en Cochinchine des missions de contrôle et de nettoyage du terrain qui, pour eux, et, bien que non dépourvues de dangers, finissent par engendrer une certaine routine.
Mais en septembre et octobre 1950 a lieu au Tonkin, tout à fait au nord du Viêt Nam actuel, la "Bataille de la RC4"(la Route Coloniale 4 longeait sur environ 200 km la frontière avec la Chine et constituait une voie d’intérêt stratégique pour le ravitaillement de nos places fortes, comme Lang Son ou Cao Bang, points d’appui chargés de faire face à d’éventuelles attaques viêt-minh plus qu’encouragées par la Chine communiste). Cette bataille, mal engagée, tourne à la catastrophe pour nos forces armées qui se voient amputées de près de 5000 de leurs meilleurs combattants (tués, blessés ou prisonniers).
Immédiatement, les trois "Commandos Marine", qui se trouvaient en Cochinchine, sont envoyés au Tonkin pour aider à contrecarrer toute nouvelle offensive éventuelle du Viêt-minh, restaurer la confiance des populations soumises à un matraquage anti-français et récupérer les postes abandonnés.
Les 20 et 22 octobre, le croiseur "Duguay-Trouin", sur lequel ont embarqué le "2e Bataillon Étranger de Parachutistes" et les "Commandos Marine" achemine les troupes en baie d’Along. Puis, via des "L.C.T." (Landing Craft.Tank) dont le tirant d’eau le permet, sont conduites à proximité de la région de Moncay pour effectuer le long de la frontière de Chine un raid de pacification qui durera près d’un mois.
À l’issue de cette opération, les commandos sont chargés, en novembre, de s’opposer aux trafics en tous genres, dont ceux d’armements, qui passent à l’évidence par la baie d’Along et l’île de Cat Ba, la plus grande de la baie ; pour ce faire, ils opèrent, principalement et avec succès, à partir d’une base occasionnelle implantée à Port Wallut (aujourd’hui Van Hoa), sur l’île de Ke Bao, au nord-est d’Haïphong.
La "Bataille de la RC4" aura eu pour conséquence, au niveau du commandement, la nomination, en décembre, du général de Lattre de Tassigny comme Haut-commissaire en Indochine, fonction qu’il cumulera avec celle de commandant en chef. Le général est convaincu que cette guerre n’est pas vraiment une guerre "coloniale", mais un combat pour la défense du "monde libre" : il entend faire partager ses convictions à ses troupes et montrer sa détermination vis-à-vis de l’extérieur. (Il est vrai qu’à l’époque la Cochinchine avait, certes, le statut de colonie, mais le Tonkin, celui de protectorat).
À la mi-janvier 1951, le Viêt-minh repasse à l’offensive à environ 50 km au nord-ouest d’Hanoï ("Bataille du Tonkin") : cette fois, c’est un échec sanglant pour l’ennemi qui perd en quatre jours 6000 hommes.
Nullement découragé, le général Giap regroupe alors ses forces plus au sud et déclenche fin mars une nouvelle offensive ("Bataille de Dong Trieu"). Les trois "Commandos Marine" vont alors assurer le bouclage du Song Da Bach, embouchure d’une rivière par laquelle l’aviso colonial "Savorgnan de Brazza", l’aviso dragueur "Chevreuil" et deux "L.S.S.L"(Landing Ship Support Large-bâtiments d’appui-feu pour les opérations de débarquement) pourront remonter pour aider de leur artillerie les postes attaqués : nouvel échec pour le Viêt-minh.
En fin avril début mai ce sont les forces françaises qui prennent l’offensive dans la région des bouches du Fleuve Rouge. ("Opération Méduse"). Les commandos "Jaubert" et "François", appuyés par l’aviso "Amyot d’Inville" et des "L.S.S.L." nettoient les villages fortifiés à l’embouchure du Song Giem Ho.
Après ce long déploiement, en mai 1951, les commandos "Jaubert" et "de Monfort" rallient la base arrière du cap Saint-Jacques, mais "François", commandé par le lieutenant de vaisseau Labbens et dans lequel se trouve toujours René, est mis en réserve aux ordres du commandement terrestre ; il est envoyé à Nin Binh, sur le rach Day, bras du Fleuve Rouge, pour effectuer, à partir de cette base provisoire, des reconnaissances et des raids avec ses propres embarcations légères. Le lieutenant de vaisseau Labbens décide alors d’utiliser l’église désaffectée du village comme poste de commandement et, après avoir renforcé au mieux les défenses, établit le casernement de son commando dans cet édifice.
Malheureusement, c’est à cette période, que le général Giap , meurtri sans doute par trois échecs successifs, mais aussi soucieux, pour nourrir ses troupes, de s’emparer d’une riche région rizicole à l’approche de la récolte, décide de porter une nouvelle offensive dans la région du Day ; les villages de Nin Binh et celui de Phuly, un peu plus au nord, se trouvent juste dans l’axe de progression des forces viêt-minh.
A Nin Binh les commandos ne sont que 76 contre deux bataillons ennemis. Rapidement, la situation devient intenable pour le "Commando François" qui est encerclé : les munitions sont quasiment épuisées, et il y a déjà eu plusieurs morts. Le lieutenant de vaisseau Labbens comprend qu’il faut tenter une sortie, mais qu’elle ne pourra réussir que si elle se fait par petits groupes pour saturer l’adversaire et donner le maximum de chances à ses hommes. Dans la nuit du 28 au 29 mai, vers 4 heures du matin, René, qui fait partie de la section de commandement, sort de l’église en compagnie du quartier-maître Pierre Pihan, une force de la nature. Sous un tir nourri de l’ennemi, ils échappent une première fois aux rafales, mais à la tentative de progression suivante, René est touché et ne se relève pas.
Comme 45 de ses camarades tués, disparus, ou fusillés lâchement par le Viêt-minh furieux d’avoir été contré par aussi peu de combattants, le matelot fusilier René Muller est "Mort pour la France" et sera cité à l’ordre de l’Armée de Mer en ces termes :
"Voltigeur en commando "François" depuis 18 mois où il remplit le rôle d’estafette à la 2e section. A participé à la campagne du commando au Tonkin, remplissant ses fonctions avec courage et enthousiasme. Le 29 mai 1951 à Ninh-Binh (Tonkin) a rempli en pleine nuit et sous le feu des rebelles sa délicate mission. Tué à son poste de combat avec le groupe de tête alors que le commando était encerclé par des forces de beaucoup supérieures. Grâce à son sacrifice a sauvé le commando d’une destruction certaine.
Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre des Opérations Extérieures avec palme".
Il avait vingt ans.
À 30 km de là, à Phuly, le lendemain, le lieutenant Bernard de Lattre de Tassigny, fils unique du commandant en chef, perdait aussi la vie pour son pays à vingt-trois ans, alors que la contre-offensive, que la résistance héroïque du "Commando François" avait rendue possible, permettait d’arrêter la progression des forces ennemies.
La dépouille de René Muller a été rapatriée et repose dans le carré militaire du cimetière de La Noue à Saint-Dizier.
Son nom est inscrit :
- Sur le monument aux Morts de Saint-Dizier,
- sur une plaque située dans le hall d’entrée de la Mairie de Saint-Dizier,
Le cours du brevet élémentaire de fusilier de Lorient, session du 15-12-1971 au 15-04-1972, a pris comme nom de baptême : "Cours MULLER".
Sources :
- Service Historique de la Défense
- "La Marine française dans la guerre d’Indochine" (CA 2S Bernard Estival)
- "Le Commando" (Georges Fleury)
- Internet : "Commandos Marine – Commando François"
- Médaille Militaire
- Croix de Guerre TOE avec palme
- Médaille Coloniale - Extrême-orient
- Citation à l'Ordre de l'Armée de Mer
Commando François
Créé en mai 1947 le commando des fusiliers-marins " François " porte le nom du lieutenant de vaisseau François Jacques, mort pour la France, à la tête d’une flottille amphibie, en Indochine, le 6 janvier 1947.
Engagé en Indochine, le commando François, commandé par le lieutenant de vaisseau Labbens, est basé dans la province de Ninh Binh en mai 1951.
Fin mai 1951 le commando se positionne dans l’église aband...